Apprendre à lire n’a pas été inné pour moi. Le chemin a d’abord été truffé d’embûches. Comme bon nombre d’entre nous, la méthode de la lecture globale n’a pas marché sur moi. Je me rappellerais toujours de ma première semaine en première année de cours élémentaire (CE1) où je me suis rendue compte que j’avais énormément de mal à suivre en classe alors que j’avais soif d’apprendre. J’aimais aller à l’école!
Comprenant que j’allais vite baisser les bras, et ne plus aimer aller à l’école, je suis allée voir l’institutrice à la pause pour lui partager mon ressenti. Alors pour me rassurer, elle m’a fait lire seule pendant la récréation. S’en suivit une lecture chaotique. Un véritable décalage entre mon monologue intérieur et ce que ce je lisais à la maîtresse. Je finis par lâcher: “je sais que je dois dire “Chat” car j’ai buté dessus dans la phrase d’avant, mais je ne comprends pas que C-h-a-t- se dit “Chat””. S’ensuivit un long soupir de la part de la maîtresse. Elle me proposa un rendez-vous avec la psychologue de l’école. Le verdict de la psychologue ne s’est pas fait attendre : “Nous soutenons la sage décision de Sarah de vouloir retourner au CP”. Ma mère fut convoquée à l’école. La maîtresse lui exposa la situation en terminant sur un “Vous pouvez refuser”. La réponse de ma mère a été très bienveillante: “Chacun son domaine d’expertise. Si vous me dites que c’est une sage décision, je ne vois aucune raison de m’opposer au souhait de Sarah de redoubler. La maîtresse de conclure: “Ah si tous les parents pouvaient réagir comme vous…”.
Méthode Boscher1
Mon introduction en cours primaire (CP) après 2 semaines de CE1 s’est très bien passée. Des amis de mes parents leur conseillèrent de m’offrir la Méthode Boscher qui avait fait des miracles sur leur fils. À force de répétitions et d’assiduité, les résultats ne se sont pas fait attendre aussi sur moi. Et ce grâce à l’aide de Stanislas, un habitué de la cafétéria que tenait ma mère. Apprenant mes difficultés, il me proposa de me faire lire tous les jours après son petit café. Soit après 18h lorsque je rentrais de l’école. Ma mère ne pouvait malheureusement pas être au four et au moulin pour m’aider avec ses journées de 12h. Tout comme mon père qui fermait boutique à 19h à 33 km de là… Pour l’apprentissage du calcul, les choses ont été plus simples. À chaque addition, j’avais un exemple concret de calcul à faire: “Combien fait un café plus une tarte ?”. Sans oublier la soustraction à faire pour rendre la monnaie. Bref que du concret qui motive à apprendre et à retenir!
Résultat de tous ces efforts: je finis par être en tête de peloton à la fin de l’année scolaire, la seule fois de ma scolarité! 😉 Mais quelle victoire! Le fait d’avoir été soutenue m’a permis d’être bien armée pour lire en moi! J’y ai aussi gagné le goût du challenge, une foi en ma capacité à rebondir, le sentiment de pouvoir exprimer librement mes interrogations. Bref, d’être le maître à bord!
Face au deuil2
Dix-neuf ans plus tard, j’enterre mon père. Il a 89 ans. J’en ai 25. Il n’a que 27 ans lorsqu’il perd sa mère. De son côté, ma mère n’est pas non plus épargnée. Elle n’a que 29 ans lorsqu’elle apprend la mort subite de son père. Bref, j’ai la chance d’avoir pour parents deux êtres qui ont fait l’expérience de perdre l’amour le plus précieux de leur vie. À savoir le parent du sexe opposé. Celui qui vous couvre, vous inonde d’un amour incommensurable.
“La mort est en quelque sorte une dette d’amour qui n’a plus de créancier.”2
Ayant vécu cette lourde expérience, et ayant le recul nécessaire, mon père savait les mots à me dire, à me transmettre pour que je puisse m’y réfugier lorsque j’en aurais besoin…
“Le deuil commence avant la mort: plus la mort aura été douce, plus le deuil se construira calmement.”2
Il savait aussi la peine incommensurable que j’aurais une fois qu’il ne serait plus. J’avais vu tant de fois mon père pleurer sa mère sans signes annonciateurs que je pensais savoir à quoi m’attendre quand mon jour viendrait.
“Enseigner le deuil à un enfant, c’est aussi et surtout une question d’attitude. Il faut pouvoir dire les choses simplement et être à l’aise pour en parler. Être à l’aise ne signifie pas ne pas souffrir. Il s’agit plutôt de dire les choses avec vérité, et la souffrance aide parfois cette vérité à sortir.”2
Combien de fois nous avons pleuré à l’unisson dans les bras de l’un et de l’autre au moment de se dire au revoir, et ce bien avant la convalescence… De part et d’autre, nous avions tous les deux consciences que chaque jour vécu était un jour de moins à se voir, à se parler, à pouvoir profiter de l’un de l’autre, de se nourrir mutuellement. À chaque fois que j’entendais ses blagounettes, je me disais, savoure, c’est peut-être la dernière fois que tu les entends… mais je n’aurais jamais pu imaginer la sensation ressentie lorsque je l’embrassai pour la dernière fois sur sa joue… Comment cette joue si chaude, si chaleureuse pouvait être si brutalement glaciale. La mort vous glace. Électrochoc nécessaire pour faire comprendre à votre cerveau que plus rien ne sera comme avant. Il y a un avant et un après. Entre les deux, le deuil et ses étapes à franchir.
“Chacun vit son deuil à son rythme propre. La règle est qu’il n’y a pas de règle. (…) il y a une vie après le deuil. Franchir le pas dans cette nouvelle vie ne veut pas dire oublier, mais d’une certaine façon accomplir.
C’est bâtir un nouvel avenir, aller de l’avant, même s’il est difficile de trouver la force de s’investir dans des projets qui ne seront plus partagés.
(…) Faire face au deuil, c’est vivre pleinement, c’est rendre hommage à ceux que nous avons perdus, c’est rendre hommage à la vie.”2
Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une
“Vous n’imaginez pas le nombre d’analphabètes du bonheur ! Sans parler de l’illettrisme émotionnel! Un véritable fléau.”3
À qui le dites-vous ma bonne dame!
Le burn-out pointe le bout de son nez dans ma vie onze ans plus tard. Et c’est la chute libre! 2 cervicales de déplacées. Je vous épargne le détail des douleurs psychologiques en amont, et des douleurs physiques en aval. Je préfère partager directement avec vous le remède qui m’a fait sortir du trou noir : le livre de Raphaëlle Giordano: « Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une »!
Quel beau cadeau que ce livre! Des années que je n’avais pas pris le temps de lire pour moi. De prendre le temps de lire en moi! Toujours en train de courir pour rester dans la course, en pratiquant la course à l’armement! Comprenez par là, rester performante pour continuer à être employable. Toutes mes activités de loisirs étaient tournées autour de ça: rester employable, résister contre vent et marée. J’avoue volontiers m’y être vautrée allègrement. Je m’y suis perdue en toute conscience, en allant jusqu’à décliner des offres pour lesquelles j’avais postulé avec passion… Ah! Qu’est-ce que je ne ferais pas pour rester avec mon port d’attache.
Ce livre a été pour moi, le point de départ de ma rééducation intérieure. À force de courir la carotte avec un chrono à la main, je suis tombée dans le trou ! De cette chute, j’ai pris conscience qu’il fallait que je prenne rendez-vous avec moi-même tous les jours, et pas seulement les jours de congés payés. Fini de courir après la carotte. Vivre, être vivant, ce n’est pas 5 semaines de congé payé par an, c’est 365 jours à l’année ! et 366 jours pour les meilleures années. 😉
Quel est le point commun entre ces 3 livres?
Ils m’ont été offerts à un moment où j’en ai eu le plus besoin. Leurs prescripteurs ont joué sans le savoir les bibliothérapeutes.
-
Méthode Boscher ou La journée des tout-petits: Lecture écriture calcul de V. Boscher, Mathurin Boscher.
-
Face au deuil Broché de Patrick Bézier, Patrice Cavelier, Sarah Nicaise.
-
Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une de Raphaëlle Giordano.
Et vous, quels sont les livres qui vous ont fait rebondir après une chute?
N’hésitez pas à les partager en commentaire de cet article.
Il me tarde de les découvrir. 😉
J’ai découvert ton blog grâce à l’événement inter-blogueurs d’Olivier avec ton article sur le miracle morning que j’ai adorée aussi pour ma part !
Très bel article il faudrait que je lise « Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une ». J’ai toujours entendu dire « Carine aime pas lire », parce que les bouquins imposés en cours ne m’intéressaient pas. Résultat j’ai beaucoup de mal à investir dans de bons livres qui pourraient surement m’aider !
Merci
Merci Carine pour ton témoignage 🙂
Comme je te comprends. Nous sommes nombreux à avoir connu le désamour des livres à cause des lectures imposées par les programmes.
Heureusement, maintenant nous sommes libres de choisir nos lectures.
Quand la motivation est là, qu’on a la bonne méthode et le livre qui correspond à notre besoin, le déclic opère (I)
Les bienfaits de la lecture sont tels qu’on y revient ! 🙂
Je t’invite à lire mon article https://apprentissagesdelalecture.com/planifier-son-activite-de-lecture-pour-profiter-pleinement-de-ses-bienfaits/
Et à demander mon guide d’initiation à la bibliothérapie “Apprendre à lire en soi ».
Si tu as des questions, tu peux me les poser en commentaire ou via la rubrique contact.
A très bientôt,
Sarah